Violoniste virtuose, compositeur, professeur et chercheur, Jasser Haj Youssef est ce musicien tunisien qui, le premier, a introduit la viole d?amour (violon baroque muni de cordes sympathiques) dans la musique arabe. Résidant à présent en France, sa carrière lui a permis de partager la scène avec Cheikha Rimitti, Karim Ziad, Barbara Hendricks et bien d?autres musiciens remarquables. Ayant étudié au cours de ses études doctorales les similitudes entre les improvisations de la musique arabe et celles du jazz, il a également contribué de manière significative à la fusion du jazz et de la musique arabe. Dernièrement, Jasser a pris le temps de parler de sa formation et de ses influences musicales avec Wanda Waterman St. Louis (Lire la première partie de l?entretien).
Quels sont les différents genres musicaux qui ont influencé votre style ?
Mon jeu est le résultat d?un métissage de plusieurs cultures musicales : il y a la culture arabe due à mes origines tunisiennes, il y a les cultures orientales (turque et indienne) venues suite à mes recherches modales et rythmiques. Dans mon jeu, il y a aussi des influences de la musique classique (Bach, Mozart, Debussy) et des influences afro-américaines grâce aux nombreuses rencontres avec des jazzmen. Il y a aussi des emprunts à la musique irlandaise, africaine et latine, par amour pour ces grandes cultures.
Toutes ces influences font que j?ai un son proche de la voix humaine et un jeu proche de plusieurs cultures à la fois.
En quoi vous sentez-vous le mélange de différents genres musicaux ?
Le métissage fait partie de mon identité. J?aime la rencontre des musiques lorsqu?elle est bien étudiée et loin des buts commerciaux.
Que faites-vous pour vous ressourcer après le travail ?
J?aime bien marcher au bord de la mer. Ça libère mes idées et sentiments. J?adore aussi le café et le chocolat. Ça donne de l?énergie !
Quelles pensées et quels sentiments le nom « Tunisie » évoque-t-il pour vous ?
La Tunisie évoque pour moi l?amour, la nostalgie et l?inquiétude.
Votre conscience sociale a-t-elle une influence quelconque sur votre travail ?
Évidement ! Ce qui se passe dans la société m?inspire beaucoup et oriente mon travail vers des directions artistiques que j?assume de plus en plus. La présence de la musique africaine, par exemple, dans ma musique est probablement due à ma sensibilité à cette culture et à l?histoire de son peuple qui attend toujours une reconnaissance.
La vie de musicien a-t-elle eu une incidence sur votre conscience sociale ? Vous a-t-elle ouvert les yeux sur des choses que vous ne remarquiez pas avant ?
Être artiste développe en nous une responsabilité et un engagement envers la société. Cela nous pousse à bien réfléchir à ce qui se passe dans notre vie, pour participer activement à la construction de notre société.
Restez-vous attaché à une idéologie politique ou une croyance religieuse ?
La paix, la tolérance et le respect de l?autre sont mes seules croyances politiques et religieuses. Cela s?entend dans ma musique qui rassemble des artistes d?origines, de religions et de croyances différentes.
Quelle musique avez-vous écoutée cette semaine, en dehors de la vôtre ?
Des chansons turques de Bülent Ersoy, des pièces pour viole de gambe (Marin Marais et Diego Ortiz), des chants sacrés de Bruckner et j?ai assisté à un concert de jazz afro-cubain de Chucho Valdés et Arshie Shepp.